Au bout du monde, un phare vent debout

Il est revenu à la vie il y a vingt ans, à la pointe sud du continent américain. Depuis qu’un Français l’a reconstruit sur ses ruines, il fonctionne comme un grand grâce à ses panneaux solaires.

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Le système électrique est en mauvais état et il faut remplacer plusieurs panneaux solaires. Vingt ans après avoir été reconstruit, le « phare du bout du monde », qui émet en automatique à 26km, nécessite quelques travaux.

Le chantier aura lieu en mars 2019. André Bronner l’a déjà planifié. 63 ans, tignasse blanche et l’œil bleu vif, il rentre des îles des États, langue de terre inhospitalière au bout de l’Argentine, où il a ressuscité le petit phare en 1998. Un projet fou qu’il raconte à la table d’un bistrot de Buenos Aires.

« 20 ans déjà », sourit-il. A l’époque, il navigue sur les grands catamarans, côtoie les navigateurs Fountaine et Follenfant, prépare les bateaux de Philippe Poupon et, en hiver, trouve refuge dans l’hémisphère sud.

« Je venais souvent à Ushuaïa. J’ai des copains qui font du charter sur l’Antarctique, les canaux de Patagonie… » Un jour de 1993, il tombe sur Le phare du bout du monde, de Jules Verne.

« On a voulu vérifier sons existence sur place » se souvient André Bronner, rebaptisé « Yul » par ses potes voileux en référence à l’acteur américain Yul Brynner. A son arrivée, il ne trouve que des vestiges épars sur un promontoire à 70 m de haut. Le phare de San Juan del Salvamento, inauguré en 1884 par les Argentins sur cette île de bagnards, a été abandonné dès 1902. Le Rochelais décide d’explorer cette terre sauvage au climat extrême. Il se perd, erre pendant cinq jours, poursuivis par les caracara chimangos, les rapaces locaux. Il boit de la neige, sent la fin proche. « Je me suis dit : si je m’en sors, je reviendrai. »

L’année suivante, le revoilà, « avec un arc, des filets de pêche, une tente, du riz. Et les autorisations de l’armée ». Trois mois durant, Yul s’improvise Robinson et réalise un rêve de gosse : il se construit une cabane dans les arbres. Il abandonne peu à peu « ses réflexes de citadin bien réglé ». Lors d’un songe éveillé au pied des ruines du phare, il imagine une expédition pour le reconstruire…

Une association se crée à La Rochelle. En visite en Argentine, Jacques Chirac en personne offre le livre de Jules Verne au président Carlos Menem. Des entreprises de l’Ouest contribuent. Pinault fournit le bois. ECSB et les Ateliers Perrault, dans le Maine-et-Loire, conçoivent et fabriquent les pièces en atelier…

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1998. Dix hommes forment une équipée des temps modernes. « Je me suis entouré d’artistes, le peintre breton Gildas Flahaut, l’illustrateur Gilbert Maurel, un photographe, un compositeur de musique… » Vingt tonnes de bois et de zinc : en cinq semaines, le 26 février, le bâtiment octogonal est achevé.

Aujourd’hui, le phare sert aussi de refuge aux aventuriers de l’île. Ils y laissent photos, petits mots et objets. Yul s’y rend quand il peut. En 2007, « j’y suis passé avec Isabelle Autissier ». En 2000, une réplique a poussé à La Rochelle. Le phare se sent moins seul au monde.

Marion GONIDEC, Dimanche Ouest-France, du 22 avril 2018.

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