Dans les mots qu’emploie Jean-Louis Bidet, 51 ans, pour chanter les louanges de son métier, revient d’abord « la matière », pour parler du bois « ce matériau vivant et naturel, le seul qui nous raconte, par ces cernes, son histoire, s’enthousiasme-t-il. On peut dater à la saison près, le moment où les troncs d’une charpente ont été abattus. Et quand on lit dans le bois que des poutres d’une chapelle du XIème siècle qu’on restaure, proviennent d’arbres plantés au IXème siècle, on ne peut qu’éprouver un grand respect. »
Une autre récurrence de langage concerne « l’esprit d’équipe » : « Un menuisier peut travailler seul, en atelier. Un charpentier doit travailler avec les autres, car il n’est pas possible de monter seul une charpente, insiste-t-il souvent. Et puis quand il faut démonter ou remonter un clocher, on est sur le terrain pendant plusieurs jours ; il y a une vie de chantier partagée. » Mais l’homme n’évoque pas seulement son équipe de charpentiers : « Pour y préparer une construction ou une restauration, il y a, en amont et pendant le chantier, tout un travail de concertation avec l’architecte, le propriétaire, les habitants… ce sont des rencontres heureuses et enrichissantes. »
Jean-Louis Bidet est devenu charpentier par proximité géographique : les Ateliers Perrault, créés en 1760, sont implantés à Saint-Laurent-de-la-Plaine, près d’Angers (Maine-et-Loire), village où il a grandi. « A 15 ans, je suis entré en apprentissage, incité par mon oncle qui y était charpentier. Le métier m’a passionné, alors je suis resté. »
Il a monté les échelons et dirige aujourd’hui l’atelier charpentes. Ce qui signifie, gérer 35 personnes et 25 chantiers à la fois. Pas tous patrimoniaux, mais tout de même : qu’il s’agisse d’un moulin à eau, d’un manoir du XVème siècle, d’une cathédrale ou d’un prieuré médiéval… les interventions de restauration doivent toujours « être longuement réfléchies et se faire a minima, « par petites greffes » de morceaux neufs, pour ne pas dénaturer le monument » précise-t-il.
Les Ateliers Perrault sont eux-mêmes, par leur ancienneté (huit générations de la même famille), une entreprise patrimoniale et consciente de l’être. Et Jean-Louis Bidet considère son métier comme un savoir-faire à transmettre. Outre former des apprentis, il aime organiser des cessions pour l’ensemble de son équipe. « J’ai constitué une bibliothèque sur l’histoire des charpentes, à disposition de nous tous, car acquérir une culture générale du bâti ancien est indispensable pour bien intervenir sur un monument » ajoute celui qui explique que pour être un bon charpentier, il faut être capable, à la fois, de « ressentir de la fierté devant une charpente mise à nu pour sa restauration et d’accepter avec humilité que ce bel ouvrage soit vite dissimilé par la couverture. »
Mme Sophie LAURANT
PELERIN HORS-SERIE d’Avril 2018